Mon parcours littéraire en est un fait de secrets, le 21 octobre 1977 après l’école (alors, que j’ai 14 ans), j’écris mon premier poème pour séduire ma meilleure amie ; elle ne tombera pas dans le piège. Elle s’appelait Claire et je lui volerai son nom pour créer celui de José Claer.... Pendant mes années d’études des petites aux grandes écoles, jusqu’à l’Université d’Ottawa, j’ai été animé d’une curiosité boulimique pour l’Histoire majuscule et la littérature homosexuelle. Autant Cocteau, Gide, Genet que Marie-Claire Blais. Ne pouvant vivre ma sexualité, puisqu’en 1988 on ne parle pas encore de transsexualité sur le coin d’une table avec ses parents en amis, je lisais compulsivement pour vivre par procuration dans la peau à l’encre des personnages des romans de mauvaises mœurs.
L’écriture comme la lecture, a été un exutoire, un modus operandi pendant des années d’une solitude crasse qui me collait à la peau. J’ai écrit plus de 100 recueils de poésie qui faisaient office de défouloirs à fantasmes. Et dans mon repaire sans repère de Mont-Laurier, ma poésie et ma prose se sont forgées comme un exosquelette pour me tenir en vie. Dans ma matrice à mots, se dessinait cet avatar de poète gay qui criait haut et fort qu’il était un homme, qu’il lui fallait une scène plus qu’un pénis, et qu’il offrirait en partage cette douleur d’avoir chuté dans un corps d’ange asexué.
En 2001, les éditions Vents d’Ouest publie mon premier roman : Nue, un dimanche de pluie, où il est question d’initiation à l’amour lesbien, et du malaise-mal être du corps qui doit demeurer vierge. J’ai fait de chacun des romans (3) et nouvelles (1) et recueils de poésie (4) que j’ai écrits et fait publier, des odes aux différentes formes de sexualité sous le couvert de l’apprivoisement, moi qui ne pouvais en vivre aucune.
Mordre jusqu’au sang dans le rouge à lèvres est ma 8e œuvre dans laquelle je prends des risques avec le verbe « oser », puisqu’au fil des pages, soulignée en rouge, l’expérience trans est exposée, mise à nue pour faire tomber des nues les lecteurs. J’utilise mes textes sur les scènes en lecture et en joute de slam avec l’équipe régionale de Slam Outaouais dont je fais partie depuis quelques années. Pour moi, l’écriture est masturbation dans un huis clos sans Sartre, et la scène le lieux-exhibitionniste par excellence, je jette toute crue ma rage, ma folie furieuse ou douce, mes démangeaisons d’inceste, mon LGBTQ+ pour, de un : offrir à ceux, quelques soit leurs âges ou leurs étapes de cheminement dans leur transition, un modèle, celui qui m’a manqué pendant toute ma vie, de l’enfance à aujourd’hui, je me vois phare, et 2emement prouver qu’on existe à la face des cisgenres, donner de la visibilité, émerveiller ou faire tomber sur le cul.
Voilà donc mon apport à la double communautés des Outaouais : être un modèle réussi d’homme transgenre pour les LGBTQ+ , un porte-drapeau dans le quotidien et dans ma littérature pour offrir cette preuve de réalité aux lecteurs concernés et aux lecteurs cisgenres qui auront envie d’être bousculés ou qui appréhendent ou apprécient une bon roman où les personnages livresques, livrés à lui, sont aussi des mortels, des humains qu’il côtoie tous les jours sans le savoir vraiment.
Mon écriture puise autant dans le joual que dans les néologismes que je fabrique, faisant d’un verbe un adjectif ou vice versa. Offrir une diversité par mes écrits, ma verve, mon verbe sans verge, secouer les fondations de notre société, lié aux gens de la marge et créer un nouvel épicentre inclusif en abordant des thèmes aussi tabous que l’inceste pédophilique dont j’ai été victime pendant toute mon enfance, que de ce mal de peau que je dis, que j’écris, que je crie haut et fort. Les années 70-80 ont vu éclore au Québec des Michel Tremblay et le mouvement gay qui revendiquait sa place ; selon moi, la nouvelle émergence est celle des trans pour les années 2020-30. Une prise de parole ludique et intelligente, au service d’une idéologie de chair et de sang, par le biais d’une littérature provocante et accessible à qui veux bien ouvrir les oreilles, les bras et l’âme.Lire la suite